5. Dégager ne suffit pas

Il faut un vrai plan d'action pour réformer

Le “dégagisme” ne suffit pas en Tunisie

Les arrangements, les deals, le négoce, l’opportunisme, l’exploitation de sa position pour en tirer des avantages sociaux et économiques, tout cela fait partie intrinsèque de la culture tunisienne. Et ce n’est que récemment que les excès de ces traits culturels sont dénoncés sous les appellations de corruption, de népotisme, de clientélisme. La corruption n’est donc pas qu’un fléau, c’est aussi le lubrifiant qui fait tourner les rouages du pays. La facette sombre d’un phénomène par ailleurs bénéfique. Augmentation de la population, diminution des ressources, paupérisation accrue… La dénonciation de la corruption accompagne l’appauvrissement général du pays et la montée des inégalités, consubstantielle de l’augmentation de la démographie et des difficultés d’insertion dans l’économie mondiale. Vouloir éradiquer la corruption en Tunisie sans apporter de réponse à ses causes profondes serait une pure perte de temps

Les ressorts du développement, tel qu’il était imaginé à l’époque coloniale et sous Ben Ali sont bel et bien cassés.

Agir sur la structure du système tunisien

Lors de leur premier printemps arabe, les tunisiens, et plus particulièrement les jeunes, se sont massivement mobilisés afin de dégager leur dictateur. Ils ont eu raison et ils ont réussi.

Mais le départ du dirigeant et de sa caste n’a provoqué qu’une adaptation du système antérieur, désormais accaparé par d’autres dirigeants et d’autres castes. Belle illustration des principes systémiques énoncés par Karl E. Weick : les personnes viennent et repartent, les systèmes restent [1]. Ainsi depuis Colbert, cela fait 3 siècles que la France ne réussit pas à se libérer de son carcan centralisateur et jacobin qui étouffe l’initiative. Nombres de révolutions sont passées par là et toujours le système s’est reconfiguré sur les mêmes bases.

Il y a fort à parier que la Tunisie vive le même destin. Et peut-être dira-t-on dans 300 ans que c’est un petit pays à l’extrémité nord du continent africain, à tout jamais balloté entre envahisseurs externes et déliquescences internes.

Seule façon d’échapper à ces déterminismes, une action résolue sur la structure même des systèmes politiques, économiques, sociaux. Ce n’est pas en soi une action compliquée. Mais c’est un type d’action qui ne sera jamais mené par les bénéficiaires des systèmes actuels. Ainsi les politiciens et l’administration française ne mettront jamais de leur propre initiative un terme au jacobinisme et à la centralisation, source de leurs pouvoirs démesurés. De la même façon la caste politique tunisienne ne mettra jamais, de sa propre initiative, fin à la corruption, dont elle tire trop d’avantages. Tout au plus se contentera-t-elle de rendre le système plus acceptable, plus politiquement correct.

Il faudra donc que l’initiative de changement du système politique tunisien vienne d’ailleurs.

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[1] The Social Psychology of Organizing, Mc Graw Hill Inc., New York, 1979

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