3.1 Un fléau officiellement sous contrôle

Circulez, il n'y a pas de corruption en Tunisie

Inlucc Tunis

A bas Ben Ali ! A bas la corruption ! Lorsque le peuple tunisien s’est soulevé en 2010 / 2011 contre son dictateur, ce n’est pas tant l’homme qui a été dénoncé que tout un système qui avait conduit à l’enrichissement massif des dignitaires du régime, à un moment où les perspectives économiques du peuple tunisien s’étaient notoirement assombries.

La lutte contre la corruption fut donc logiquement l’une des priorités du nouveau régime issu de la révolution. Vote de nombreuses lois et dispositions pour lutter contre le fléau [1]. Création d’une agence anti-corruption, l’INLUCC [2] et publication chaque année de rapports sur les efforts entrepris et les succès engrangés [3]. Dès 2012, le régime annonçait fièrement que 900 dossiers de corruption avaient été soumis au pôle judiciaire. Pour 2017 / 2018, ce chiffre était monté à 1060 dossiers transmis dans l’année [4], dont 338 affaires avaient déjà été clôturées en Mai 2018, conduisant à l’arrestation de 38 personnes. Dans la même veine, un portail national pour la lutte anti-corruption en Tunisie [5] fut lancé fin 2012 en collaboration avec le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement), et l’on décréta que le 9 Décembre de chaque année serait la journée internationale de lutte contre la corruption [6].

Le gouvernement avait donc agi de façon ferme et résolue. La corruption était endiguée, c’était un phénomène sous contrôle dont il pouvait tout au plus rester quelques manifestations résiduelles.

Circulez, il n'y a rien à voir

Cette première histoire correspond peu ou prou au récit officiel. Elle s’appuie sur une conception étriquée de la corruption comme interaction entre corrompus et corrupteurs qui cherchent à détourner / pervertir les règles pour en tirer des avantages personnels [7]. Aucune tentative sérieuse n’est donc faite pour analyser le phénomène de façon plus approfondie. D’où viennent les corrompus et les corrupteurs ? Quelles sont leurs motivations réelles ? Que valent les règles ainsi détournées ou perverties ? Par qui ont-elles été énoncées ? A quoi sert vraiment la corruption ?

La corruption au coeur des préoccupations

“1• Abolir les privilèges de la classe politique” ;
“4• Sanctionner sévèrement les voleurs”,
“6• Sanctionner les intermédiaires et les spéculateurs” ;
“8• Imposer la transparence et l’égalité d’accès à l’emploi dans les concours publics
“10• Exclure à vie les fonctionnaires corrompus” ;
“11• Créer une unité d’élite incorruptible pour traquer les grands corrompus” ;
“12• Inscrire les noms des personnes condamnées pour corruption dans un fichier national accessible à tous[8].

Ces 7 recommandations issues de la Feuille de Route pour les Tunisiens du mouvement 3ich Touns i[9], ont été signées selon ce mouvement par plus de 400 000 personnes. 7 mesures sur 12 en rapport avec la corruption, ce qui montre combien ce phénomène polarise l’opinion publique.

Mais la corruption n’est pas un thème que l’on peut combattre par des listes d’action à la Prévert. Il n’y a que peu de pays qui ont réussi dans ce combat [10] et leurs modèles sont peu transposables à la Tunisie (pays riches, Nouvelle Zélande) ; catastrophes (génocide au Rwanda) ; déconstruction des modèles coloniaux (Singapour). De la même façon, pour donner satisfaction aux aspirations légitimes du peuple tunisien, une déconstruction des modèles politiques et économique tunisiens s’avère indispensable.

 

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Table des matières

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[1] http://www.inlucc.tn/www.inlucc.tn/index.php?id=100&L=1

[2] http://www.inlucc.tn/www.inlucc.tn/index.php?id=122&L=1

[3] “Malgré́ tout ce qui se dit, il est certain que, depuis la Révolution de la liberté́ et de la dignité́, (17 décembre 2010 - 14 janvier 2011), la Tunisie a fait des efforts louables pour adopter des programmes et des plans en vue de réaliser la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption. Tous les acteurs (…) ont convenu, (…) de considérer la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption comme des priorités nationales, conformément à la nouvelle Constitution tunisienne du 27 janvier 2014, au Pacte de Carthage sur les priorités du gouvernement d’unité́ nationale du 13 juillet 2016 et au programme d’action du gouvernement d’unité́ nationale du 26 août 2016.” Extrait du Rapport 2017 de l’INLUCC, http://www.inlucc.tn

[4] https://www.shemsfm.net/fr/actualites_tunisie-news_news-nationales/195124/1060-dossiers-de-corruption-soumis-au-pole-judiciaire-depuis-septembre-2017

[5] http://www.anticor.tn (depuis hors ligne)

[6] https://www.babnet.net/cadredetail-57093.asp

[7] “La corruption est la perversion ou le détournement d'un processus ou d'une interaction avec une ou plusieurs personnes dans le dessein, pour le corrupteur, d'obtenir des avantages ou des prérogatives particulières ou, pour le corrompu, d'obtenir une rétribution en échange de sa bienveillance.” Association ANTICOR, http://www.anticor63.fr/principes/quest-ce-que-la-corruption

[8] Feuille de route des tunisiens, pour en finir avec le chaos et remettre le pays sur les rails. https://www.3ichtounsi.tn/fr/wathi9a

[9] https://www.3ichtounsi.tn/fr

[10] Five Success Stories in Combatting Corruption https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/AEDS-03-2017-0031/full/html et https://blog.politics.ox.ac.uk/fighting-corruption-effective-examples-from-surprising-places/

 

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