Les sources de la systémique
Du siècle des lumières jusqu'à nos jours
1788 | Les fondements de la révolution industrielle
La pensée systémique remonte aux origines de l'humanité et à nos ancètres chasseurs cueilleurs, comme le montre l'anthropologue Philippe Descola ! Pour eux le monde est un tout animé et vivant qui ne connaît pas la séparation entre "nature" et "culture".
Mais la pensée systémique s'est perdu, notamment sous l'influence du cartésianisme et de la pensée analytique, qui consiste à séparer les composants d'un phénomène et à les analyser séparément plutôt qu'en conjonction.
Et pourtant, les origines de l'approche systémique - qui ne porte pas encore ce nom là - remontent au 19 ème siècle avec l'éclosion des sciences de l'ingénieur. Les ingénieurs sont en effet confrontés à des problèmes pratiques pour lesquels la froide logique cartésienne ne leur est d'aucune utilité. L'invention de la machine à vapeur fait naître le besoin d'inventer des systèmes de régulation. Il faut éviter que la machine ne surchauffe, n'explose par apport excessif de puissance. Il faut apprendre à gérer l'effet retard. Entre le moment où l'on rajoute du charbon dans la chaudière et le moment où celui-ci produit de la chaleur, le délai est assez long (quelques minutes) ce qui pose de nouveaux défits conceptuels.
Les ingénieurs inventent donc les premiers principes de régulation et leur approche est focalisée sur le contrôle de systèmes techniques. Les bases de la systémique sont jetés et 200 ans plus tard les applications de ces deux principes sont omniprésents dans notre vie de tous les jours, du régulateur de vitesse de nos voitures au thermostat du chauffage de nos maisons.
Systèmes considérés par cette approche : Technologiques.
Définition d'un système : Une machine, une invention technologique.
Principes fondamentaux : Régulation, boucles de feed-back, contrôle (pilotage).
1937 | La théorie générale des systèmes
Ludwig von Bertanlaffy s'intéresse au vivant, aux systèmes biologiques. Il a une double formation de biologiste et de philosophe qui s'est intéressé aux intégrations d'ordre supérieur. Il invente et publie la Théorie Générale des Systèmes (Dunod) qui se veut universelle bien que focalisée essentiellement sur les systèmes biologiques (les cellules en interaction dans un être vivant, le système sanguin ou respiratoire, la marre à canards derrière la ferme de votre grand mère, etc.). "Le but de cette théorie générale était de dégager des principes explicatifs de l'univers considéré comme système à l'aide desquels on pourrait modéliser la réalité." Il prend le contrepied de l'approche cartésienne et analytique selon laquelle il faudrait découper les problèmes en tronçons de plus en plus fins pour les comprendre individuellement. Pour lui tout est systèmique, c'est-à-dire "ensemble d'entités en interaction" et les systèmes du vivant sont de surcroit ouverts, c'est à dire qu'ils échangent de l'énergie et de la matière avec leur environnement. Ludwig von Bertanlaffy invente plusieurs notions clefs de la systémique : l'arborescence (la chaine alimentaire par exemple). L'homéostasie, ou la capacité de sysèmes biologiques à s'auto réguler pour garder certains paramètres constants (la température du corps par exemple). Les propriétés émergentes qui résultent de l'interaction de nombreuses entitées, et ne sont pas attribuables à une seule entité (ainsi la marche a besoin des muscles pour fournir le mouvement, du squelette pour accrocher les muscles, de la respiration pour fournir l'oxygène, du cerveau pour maintenit l'équilibre et coordonner les muscles, des yeux pour orienter la direction, etc.).
Systèmes considérés par cette approche : Biologiques.
Définition d'un système : "Un ensemble d'entités en interaction mutuelle".
Principes fondamentaux : Régulation, boucles de feed-back, contrôle (pilotage).
1947 | La cybernétique
Développée à partir de 1942 par une équipe multidisciplinaire sous la direction de Norbert Wiener, la cybernétique étudie "les mécanismes d'information des systèmes complexes". Et bien que la cybernétique ait été définie à l'origine comme "la science de la communication et du contrôle chez l'animal et la machine", c'est bien dans les domaines émergants de l'électronique, des automatismes et des théories mathématiques de l'information que la cybernétique a trouvé son champ d'épanouissement. Bien que méconnue du grand public, notre société doit tout à la cybernétique. Enfin, tout ce qui la distingue de l'ère industrielle antérieure, du smartphone à l'ordinateur en passant par le robot et l'intelligence artificielle.
La cybernétique s'articule autour des principes de rétroaction (feed-back), d'homéostasie et de téléologie (finalité). Elle est d'emblée interdisciplinaire et s'intéresse à la dynamique des systèmes. D'où sont-ils partis ? Vers quoi évoluent-ils ? Sont-ils stables ou instables ? Comment les contrôler ? Complexe, variée (il y eut plusieurs mouvements cybernétiques), elle a donné naissance à toutes les technologies dans lesquels nous sommes désormais immergés, des moteurs de recherche aux blockchains en passant par les objets autonomes ou le quantume computing.
Systèmes considérés par cette approche : Techniques, électroniques, informationnels.
Définition d'un système : "Un ensemble d'entités qui échangent de l'information, de l'énergie et de la matière".
Principes fondamentaux : Formulation de nombreuses lois de la cybernétique, dont la plus connue est celle de la variété requise, ou loi d'Ashby. "Pour qu’un système « A » puisse contrôler (à la fois « surveiller » dans la signification française et « commander » dans la signification anglaise) un système « B », il faut et il suffit que la variété de « A » soit supérieure ou au moins égale à celle de « B »"
1952 | L'école de Palo Alto
Ambitieuse, la cybernétique se voulait universelle et inspira de nombreux projets dans le domaine des sciences sociales et de l'organisation de la société humaine (urbanisme, etc.). C'est dans cette mouvance que nait l'Ecole de Palo Alto en 1952 sous l'impulsion de Gregory Bateson, anthropologue, en tant que projet de recherche sur "le paradoxe de l'abstraction dans la communication". Projet interdisciplinaire qui regroupera de nombreux experts en sciences sociales, l'Ecole de Palo Alto s'intéresse résolument aux systèmes sociaux, et notamment familiaux.
Elle est à l'origine de la thérapie familiale et de la thérapie brève (ainsi appelée par opposition à la psychanalyse, considérée comme une thérapie longue). Et ces deux formes de thérapie ont à leur tour inspiré la plupart des formes de psychothérapie inventées au vingtième siècle, Programmation Neuro-Linguistiqur (PNL), Hypnose Ericksonnienne, EMDR, Traumatic Incident Reduction, Constellations Familiales, etc.
Systèmes considérés par cette approche : Systèmes sociaux et familiaux.
Définition d'un système : "Un ensemble d'entités qui échangent de l'information, de l'énergie et de la matière".
Principes fondamentaux : (1) Tout message a au moins deux dimensions : ce qui est dit, et la relation qui est induite entre les individus. (2) La communication est à la fois verbale et non verbale, les deux pouvant être congruent ou incongruents. (3) La ponctuation de la communication (chaque partenaire a une intention qui va influencer la réaction de l'autre. (4) La métacommunication - échanger au sujet de sa propre communication et de sa relation avec l'autre.
Commenter cet article
Soyez le premier à réagir à cet article !