Changements choisis et changements subis, le changement catabolique

Changement catabolique

Venant juste après le Covid, la crise ukrainienne fait peser un nuage d’incertitude sur l’avenir économique, social et politique. Les coûts de l’énergie et ceux des matières premières flambent. Devrons-nous faire face à des scénarios extrêmes ? Un retour à la guerre froide (ou chaude) ? Un nouveau rideau de fer ? Le gazole à 5 € du litre ? L’inflation dans les 20 % ? Nous ne sommes pas Madame Soleil et ne discuterons pas de la probabilité d’émergence de ces scénarios. La question capitale que nous posons ici est celle des conséquences. Si un scénario de ce type devait émerger, que se passerait-il ?

Plus grand, plus beau, le changement choisi

Les théories de pilotage du changement se sont depuis cinquante ans focalisées sur les changements choisis. Comment réussir l’implantation d’un nouveau logiciel ? Comment aborder le lancement d’un nouveau produit ? Comment convaincre les employés d’adopter une nouvelle organisation ? Notre génération de cadres et de managers ne sait penser qu’aux changements “positifs” : plus grand, plus beau, plus rentable, plus disruptif… Ce sont les changements appelés anaboliques en systémique, par référence au phénomène correspondant dans notre métabolisme. “L’anabolisme est le processus par lequel le métabolisme construit des molécules complexes (ADN par exemple) à partir de composants plus simples (aminoacides issus de la nourriture digérée par exemple).” Le changement anabolique construit des structures plus complexes à partir de structures simples.

Moi-même maître du monde

Si le changement choisi (anabolique) a eu la cote depuis si longtemps, c’est en grande partie parce qu’il nous fait rêver. Il est flatteur, il nous transporte vers des choses plus grandes, plus complexes, plus puissantes, plus belles. Il nourrit notre ego, nous fait miroiter de devenir « moi-même maitre du monde » ! Ou au moins de nous faire une fois pour toute une place au soleil.

Le changement choisi ne saurait pour autant exister sans le changement subi. Celui que l’on redoute, que l’on se prend de plein fouet, qui vient ronger nos espoirs, anéantir nos projets, démolir nos équipes et fermer nos lignes de production. Il s’agit du changement « catabolique », par analogie avec le processus métabolique correspondant. “Le catabolisme consiste à prendre des molécules complexes (comme les protéines de la viande ingérée par exemple) pour les réduire en composants simples (aminoacides par exemple) qui seront utilisables par l’organisme”.

De tous temps, les changements choisis et subis ont cohabité dans les organisations. Pour chaque start-up fière de son œuvre de disruption, il y a eu de nombreuses sociétés traditionnelles qui ont mordu la poussière. Pour chaque nouvelle technologie introduite sur le marché, une cohorte de nouveaux chômeurs chez Pôle Emploi.

Les transformations cataboliques, comment les gérer ?

Les périodes d’argent facile sont propices au changement choisi. Les taux d’intérêts nuls ont financé le développement de l’économie numérique et des supply chain mondiales.

A l’inverse, le retour de l’inflation et la désintégration de la mondialisation nous présente le défi d’apprendre à gérer ces nouveaux types de changements que nous n’avons pas appelé de nos vœux.

Que faire ?

Prendre le taureau par les cornes

Le déni est la réaction #1 face aux situations difficiles, délicates ou pénibles, les coachs le savent depuis toujours. Nous voyons une tuile se poindre à l’horizon, et notre première réaction est de penser, une tuile ? Quelle tuile ? Où ça ? Comme si nous n’avions rien vu.

Le déni fait perdre des semaines et des mois précieux, exposant davantage l’organisation aux changements inéluctables.

Qui, dans votre organisation, est responsable de la préparation des scénarios du pire ?

 

Penser les positions de repli

Si telle matière première vient à manquer … Si les coûts explosent de telle ou telle façon… Quelles conséquences… ? Et quelles conséquences des conséquences ? Et quelles conséquences des conséquences des conséquences ?

Quelles sont les lignes de production / les produits / les services qu’il faudra abandonner ? Repenser ? Reconfigurer ? Redimensionner ? Etc. Comment réduire la complexité de façon intelligente pour garder quand même de la production, de la valeur ajoutée, des ventes, des flux, etc. ?

Ces questions sont d’autant plus complexes que l’organisation est grande et ramifiée. Mais il ne faut pas s’y méprendre. Elles restent ardues même pour une TPE.

 

Penser tous les niveaux du changement subi.

On dit de tout changement qu’il a au moins trois dimensions : techniques, relationnelles, existentielles.

Si par exemple le prix de l’énergie s’envole, cela va impacter de nombreux domaines techniques, de la capacité à produire, à la rentabilité, en passant par la capacité à distribuer, etc.

Mais les conséquences sont aussi relationnelles. Comment est-ce que cela va affecter les partenariats existants avec les fournisseurs ? Les accords juridiques en cours ? Les besoins en termes de mode de management et de conduite stratégique ?

Le changement subi soulève par ailleurs des questions existentielles. Les salaires seront-ils encore payés dans 6 mois ? L’entreprise peut-elle survivre à une baisse marquée de régime ?

 

Gérer le stress

Les dimensions existentielles du changement subi sont synonymes d’incertitude, de stress et de découragement. Nous, les humains, n’aimons pas voir une vie de projets, d’espoirs et de réalisations nous filer entre les doigts. Et nous apprécions encore moins de perdre notre sentiment de contrôle sur notre environnement. Or c’est pourtant ce qui nous pend au nez.

Gérer le changement subi nécessitera donc de gérer le stress, le sien et celui de ses équipes.

 

Le changement catabolique et les vents de la fortune

Il y a un poncif en stratégie qui dit que derrière chaque crise se cache une opportunité. Les consultants férus de l’ancien paradigme du “toujours plus grand”, “toujours plus rentable” vous expliqueront que l’opportunité consiste à repenser votre organisation plus vite et de façon plus agile que vos compétiteurs. Ainsi vous remporterez le jackpot.

Cette façon de penser est probablement datée.

Les changements cataboliques créent d’abord des opportunités de nature personnelle. Devenir des personnes meilleures, capables de regarder dans le néant sans se décourager et d’inspirer de la confiance à leurs équipes dans les moments de chaos.

Ils génèrent ensuite des opportunités relationnelles. Aller vers de nouvelles formes de coopération et de communication face à l’effondrement des modes traditionnels.

Last but not least, ils apportent des opportunités sociétales. Car il faudra bien, tôt ou tard, repenser les flux économiques et les flux de production d’une façon plus équilibrée tant pour la planète que pour ses habitants. La mondialisation a vécu et ce n’était pas un système durable. Qui sait ce qui la remplacera ?

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