Quel est le rôle de l'intervenant

dans une prestation de conseil systémique ?

Posture de l'intervenant systémique

Par Etienne Ricard

Consultant, coach, conseil, expert, formateur… il n'est pas toujours simple de distinguer ce qui les différencie. Il est encore plus difficile pour un dirigeant de repérer ces différences et c'est d'autant moins surprenant que ces intervenants ne sont pas eux-mêmes toujours très clairs sur leurs domaines d'intervention voir sur leurs compétences. Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse ! Un intervenant par l'approche systémique apporte, en principe, une plus-value basée sur des compétences spécifiques et grâce à un regard et une logique systémiques.

Adopter une posture particulière

La seule valeur ajoutée propre à l'intervenant et que ne sauraient revendiquer les responsables de l'entreprise, c'est son extériorité. A condition, bien sûr, qu'il parvienne à la conserver. Elle est impérative car la loi est connue : pour faire changer un système, il faut le considérer de l'extérieur et n'en point faire partie.

Première conséquence : l'intervenant doit rester extrêmement vigilant face aux tentatives, voire aux tentations, d'internalisation dont il pourrait être l'objet, voire le sujet vis-à-vis du système sur lequel porte son action. Ce type de dérapage peut survenir par toutes sortes de biais : création de liens affectifs, influence des sympathies ou antipathies, identification au décideur, projection de ses propres références, compromission sur les limites de son rôle par crainte de perdre le client, etc. Ce sera toujours une réelle difficulté d'être à la fois un interlocuteur présent, chaleureux, convivial et un intervenant distancié, objectif et méthodologiquement rigoureux… et de ne jamais redouter de perdre son gagne-pain au nom de cette rigueur.

Deuxième conséquence : l'intervenant disposera de suffisamment de force intérieure pour considérer que le demandeur a plus besoin de lui que lui-même n'a besoin du demandeur. Cela suppose qu'il choisisse le moment pour intervenir malgré la pression éventuelle de son interlocuteur pour que son problème soit réglé au plus vite. En effet, son efficacité sera directement liée à sa capacité de mettre fin à son intervention s'il le juge nécessaire. De plus, et c'est une particularité de l'intervention systémique, il pourra, dans l'intérêt de son client, utiliser des stratégies et des tactiques pour le faire changer, même à son insu.

Troisième conséquence : l'intervenant devra limiter son rôle à la conduite du processus de changement proprement dit en s'interdisant de prendre parti sur les contenus stratégiques, politiques ou techniques que soulève la démarche entreprise. Il s'agit là d'une limite aussi exigeante qu'indispensable à sa valeur ajoutée.

Ceci étant, son champ de compétence implique évidemment qu'il possède une certaine maîtrise méthodologique en matière d'approche systémique et qu'il ait donc une représentation claire de ce que signifie concrètement la notion de changement.

Si l'on admet que tout fonctionnement d'un système humain – et donc tout changement de ce fonctionnement – se concrétise dans le comportement observable des acteurs de ce système, on peut dire que le résultat attendu – l'objectif formulé par le demandeur – sera l'obtention d'un certain type d'écart observable entre les comportements avant et après à l'intérieur du système.

Ces comportements d'acteurs sont ceux de personnes (personnalités) ou, par extension, de groupes de personnes (s'il existe entre elles une identité collective forte). Ils résultent toujours de la confrontation de la personnalité (individuelle ou collective) à une situation donnée. Et cette réponse – ou réaction – qu'est le comportement enrichit l'expérience, c'est-à-dire un vécu intériorisé par le ou les acteurs comme plus ou moins positif ou négatif.

L'état d'esprit, les valeurs, les croyances, bref, la personnalité ou l'identité collective, en sont nécessairement nourries et c'est même le seul facteur déterminant de leur possible – mais lente – évolution. Notons que cet effet en retour ne résulte pas d'un processus ponctuel mais d'une réalité continue proposée par le fonctionnement du système.

Ceci posé, revenons au rôle du consultant. Il lui revient principalement, de par son extériorité, de considérer la problématique en ces termes : pour obtenir le changement espéré, donc observer un certain type - différent - de comportements à l'intérieur du système, on pourrait, en théorie, agir sur l'un ou l'autre (ou les deux à la fois) des déterminants que sont respectivement les états d'esprit (personnalités) et les situations (que le fonctionnement du système propose aux acteurs)Mais obtenir un changement de l'état d'esprit en agissant directement sur lui (moraliser, raisonner, démontrer,…) s'avère illusoire : car les personnalités se sont constituées (quoi de plus connu ?) par la combinaison de facteurs innés (hérédité) et d'expérience vécue (acquis). Ce qui est inné est fixé une fois pour toutes et ce qui s'acquiert résulte d'un processus lent, d'une consolidation progressive d'expériences dont seule la réitération finit par entraîner une véritable modification de l'état d'esprit. Inutile, donc de dépenser de l'énergie sur ce déterminant. En systémique, cela rejoint l'idée de ne pas entrer dans le contenu de la boîte noire, mais de se limiter aux relations entre les boîtes noires.

Restent les situations de changement proposées. C'est bien le seul facteur sur lequel peut agir l'intervenant. C'est là le cœur et les limites de son rôle ; et son principal atout pour le tenir reposera sur cette extériorité qu'il aura su préserver.

Utiliser des compétences spécifiques

L'exigence systémique nécessite l'appropriation d'une certaine logique pour aborder un demandeur, regarder un système à considérer et déterminer des leviers d'actions pour entraîner le ou les acteurs dans une nouvelle direction, celle définie par le demandeur. Ce deuxième atout, sa capacité méthodologique à conduire un processus de changement selon l'approche systémique sera essentiel, complémentaire et indissociable du premier. Voici quelques unes de ces compétences bien spécifiques.

  • Vérifier les finalités. Tout d'abord, après s'être mis en situation de répondre à une demande, il devra rechercher à quel objectif de niveau supérieur correspond la demande de son interlocuteur, afin d'en vérifier avec lui le degré de cohérence. En l'absence d'un tel lien, il tentera, en particulier si la demande est de type solution (comment mettre en place ceci…), d'aider le demandeur à bien se centrer sur cet objectif qui vient d'être clarifié et de le préparer à envisager la possibilité de trouver des solutions différentes et plus en accord avec un fonctionnement optimal du système.
  • Explorer plusieurs points de vue. La pensée unique est l'ennemi numéro un de la systémique. Ainsi l'intervenant systémique devra pouvoir se décentrer par rapport à lui-même et explorer, tout à tour les différents points de vue qui sont portés sur le système par différents acteurs. Points de vue souvent antinomique et sous tendu par des enjeux différents, voire opposés.
  • Explorer les multiples dimensions du système. Chaque situation a des dimensions techniques qui sont généralement bien connues. Il s'agira d'en explorer les dimensions relationnelles, existentielles, communicationnelles qui ont elles aussi un impact sur la situation.
  • Aller rechercher les causes des dysfonctionnements plutôt que de se focaliser sur les seuls symptômes.Qu'est-ce qui sous tend la perception que les gens ont du problème à traiter ? Quels sont les phénomènes peut-être distants qui causent le problème ici et maintenant.
  • Penser en terme de causalité systémique, ou causalité circulaire. Les approches linéaires, de type "c'est la faute à..." n'ont pas leur place dans une approche systémique. Il s'agira de voir l'interaction entre les différents acteurs de la situation, et la façon dont chacun influence, souvent à son corps défendant les perceptions des autres, créant ainsi un phénomène circulaire et interactif.

Par dessus tout, savoir prendre le temps

L'intervenant systémique est avant tout quelqu'un qui sait résister à la tentation de trouver des solutions instantannées, des "quick fix" comme disent les américains. Il va accepter de ne pas se laisser enfermer dans une compréhension primaire des choses. Il acceptera l'incertitude. Le fait de ne pas savoir. Et c'est au prix de cette perte apparente de contrôle qu'il trouvera peut-être l'idée géniale qui fait sens, et qui permet au système de se réformer.

Commentaires (2)

  • Pierre

    J'aime ce site

    11/09/2020 15:41
  • PhD

    ....mais plus en phase avec la.es difficulté.s ou le.s problème.s rencontré.s par le.a.es demandeur.resse.s .

    29/05/2019 11:51

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